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LA « MARCHE ALLEMANDE » DE DRAESECKE

Au demeurant, les pièces qu’on entendit à ce festival ne valaient pas grand’chose. Il y avait, entre autres, une cantate de Weisheimer, la Tombe au Busento, qui passa inaperçue ; quant à la Marche allemande de Draesecke, elle provoqua un véritable esclandre. Dans cette singulière composition, ce musicien, bien doué cependant, paraissait avoir voulu se moquer du public. Pour des motifs incompréhensibles, Liszt le protégeait avec une véhémence provocante. Il força Biilow a diriger cette marche. Bien que Hans y réussît finalement et la donnât même par cœur, le scandale fut grand. Malgré l’enthousiasme qui accueillit les compositions de Liszt, on n’avait pas pu obtenir de l’auteur qu’il se montât une seule fois au public ; par contre, lorsque eut retenti le dernier accord de la Marche de Draesecke, par laquelle finissait le concert, mon grand ami se dressa dans sa loge d’avant-scène et applaudit vivement l’œuvre de son protégé. Les auditeurs témoignant leur mécontentement, Liszt se pencha par-dessus le bord de sa loge et, les bras tendus, battit des mains et cria d’énergiques bravos. Il en résulta une vraie lutte entre le public et Liszt dont le visage devint rouge de colère. Blandine, assise à mes côtés, était, comme moi, désespérée de la conduite inouïe de son père et il nous fallut du temps pour nous remettre de cet incident. Liszt ne donna pas grande explication ; nous l’entendîmes seulement proférer quelques épithètes de furieux mépris à l’adresse du public weimarien « pour lequel cette musique était encore trop bonne ».

J’appris qu’il avait agi ainsi par une sorte de rancune contre la véritable société de Weimar qui n’entrait pour-