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GAIETÉ DES INVITÉS À WEIMAR

pris que c’était pour mieux marquer le caractère très familier du festival rustique qu’on donnerait à Weimar.

Franz Brendel et sa femme avaient été installés avec une certaine pompe à l’étage supérieur de la maison. Bientôt l’Altenbourg fourmilla de musiciens ; je retrouvai parmi eux mon vieil ami Draesecke, ainsi qu’un jeune YVeisheimer que Liszt m’avait une fois envoyé en visite, à Zurich. Tausig vint aussi, mais il se tint généralement à l’écart du sans-gêne de nos réunions, occupé qu’il était à courtiser une jeune dame.

Comme compagne de mes petites promenades, Liszt m’adjugea Émilie Genast ; je ne m’en plaignis pas, car elle était fort intelligente et spirituelle. Je fis aussi la connaissance du violoniste Damrosch. La présence d’Alvina Frommann me remplit de joie ; ma vieille amie était venue aussi, bien qu’elle fût en froid avec Liszt.

Lorsque enfin Blandine et Ollivier arrivèrent de Paris et qu’ils reçurent à l’Altenbourg des chambres à côté de la mienne, ces jours heureux prirent un caractère de gaieté exubérante. Le plus pétulant de tous était certainement Bülow. Il devait diriger l’orchestre dans la Faust-symphonie de Liszt et il faisait preuve d’un zèle extraordinaire. Il savait par cœur toute la partition et réussit à la faire jouer avec une finesse, une précision et une ardeur merveilleuses par des exécutants qui ne formaient certainement pas l’élite des musiciens d’Allemagne. Après cette symphonie, la musique qui réussit le mieux fut celle de Prométhée, mais moi, j’appréciai surtout le cycle de romances : « Renoncement », composé par Bülow et chanté par Émilie Genast.