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GEORGES HERWEGH

rieur à tout ce qu’un Allemand ait jamais publié sur ces matières.

Georges Herwegh apparut aussi parmi nous l’année suivante (1851). À mon grand étonnement, je le rencontrai un beau matin chez Kolatschek. Je n’ai appris que plus tard, et d’une façon quelque peu désagréable pour moi, les raisons qui l’amenaient à Zurich. Pour le moment, avec son air d’aristocrate et d’homme habitué au bien-être et à l’élégance, il me fit l’effet d’être bien le fils de son époque. Les interjections françaises dont il parsemait ses discours lui donnaient quelque chose de singulièrement distingué ou du moins de factice. Toutefois son extérieur avantageux, son œil vif et ses manières pleines de condescendance ne laissaient pas de fasciner ceux qui l’approchaient. Je fus quasi flatté de le voir accepter volontiers mon invitation à nos rustiques réceptions. Celles-ci ne manquaient d’ailleurs pas d’attrait quand Bülow était là pour les animer ; à moi, il est vrai, elles n’offrirent jamais rien. Le soir que j’y commençai la lecture de mes manuscrits, ma femme prétendit que Kolatschek s’était endormi et que Herwegh ne s’était soucié que de faire honneur au punch. Lorsque plus tard, dans douze séances consécutives, je lus à mes amis zurichois mon livre sur l’Opéra et le Drame, Herwegh ne s’y montra pas ; il prétendit qu’il ne voulait pas être de ceux pour qui des choses pareilles n’ont pas été écrites.

Peu à peu cependant, nos rapports devinrent plus animés ; ce qui m’attirait en Herwegh, ce n’était pas exclusivement le poète auquel tant d’hommages avaient été rendus, c’étaient surtout les qualités foncièrement délicates et