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LE « CERCLE ARTISTIQUE »

ger pour prouver l’essence purement musicale de ma mélodie. Entraînés par son éloquence, les juges rejetèrent les exigences de la partie adverse. Toutefois, comme Lindau leur parut avoir travaillé tant soit peu au libretto, ils me condamnèrent à lui payer une légère indemnité. Je n’aurais certainement pas pu régler cette somme avec les tantièmes qui me revenaient des représentations parisiennes de Tannhäuser. En retirant la partition du répertoire, je m’étais entendu avec Truinet pour abandonner tous les droits d’auteur, tant pour le texte que pour la musique, au pauvre Roche, qui, par l’échec de mon opéra, perdait le seul espoir d’une amélioration possible de sa misérable situation pécuniaire.

D’autres encore de mes relations furent rompues par la force des choses. Je faisais partie d’un « cercle artistique » dont je m’occupais assez sérieusement et qui, avec l’importante collaboration des ambassades allemandes, s’était formé dans les milieux aristocratiques. On voulait procurer de bonnes auditions musicales en dehors du théâtre et y intéresser la haute société. Dans sa circulaire, ce cercle avait eu le mauvais goût de comparer ses efforts pour obtenir de la bonne musique à ceux du Jockey-Club pour avoir de bons haras. On avait donc essayé de réunir tous les musiciens ayant une certaine renommée. Moyennant une cotisation annuelle de deux cents francs, je dus me faire recevoir membre de cette société et fus élu dans le comité artistique avec M. Gounod et d’autres notabilités parisiennes. Auber était président. Nous nous réunissions souvent en séance chez le comte d’Osmond, jeune homme intelligent et vif qui