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INDIGNATION DE LA PRINCESSE DE METTERNICH

Saxe, M. de Seebach, absolument aphone. De même que ses amis, il avait totalement perdu la voix à force de manifester le soir précédent. La princesse de Metternich était aussi restée chez elle : il lui avait suffi, de supporter durant deux représentations les offensantes huées de nos adversaires. Elle caractérisa le degré de violence qu’avait atteint leur fureur en me racontant qu’elle s’était querellée ouvertement avec ses meilleurs amis. Elle leur avait dit : « Ne me parlez pas de votre liberté française. À Vienne, où, Dieu merci, il y a encore une vraie noblesse, on ne verrait jamais un prince de Lichtenstein ou de Schwarzenberg sifflant Fidélio de sa loge et réclamant un ballet. »

Je crois qu’elle avait dit aussi sa façon de penser à l’Empereur et que celui-ci s’était demandé si par une ordonnance de police il n’y aurait pas moyen de mettre des bornes à la conduite inconvenante de ces messieurs. Malheureusement, ils appartenaient presque tous à la maison impériale. Le bruit de ces mesures de police ayant couru la ville, mes amis crurent qu’on me préparait une victoire, lorsque, à la troisième représentation, ils virent les couloirs du théâtre remplis d’agents de la paix. Mais ils surent plus tard que ces précautions avaient été prises pour protéger les « Jockeys » : on craignait que le parterre n’essayât de leur faire payer leur insolence.

La représentation fut conduite à sa fin, mais elle fut troublée sans intermittence par un affreux tumulte. Après le deuxième acte, la femme du ministre révolutionnaire hongrois, Mme de Szemere, arriva chez nous tout en larmes, assurant qu’il était impossible d’y tenir.