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MORT DE PAPO

ce livre. D’après mes calculs, je n’avais plus que quelques jours de travail pour en terminer le manuscrit, lorsque mon cher perroquet qui, d’ordinaire, me regardait écrire, perché à mes côtés, tomba gravement malade. Comme il s’était déjà remis plusieurs fois de crises pareilles, je ne m’en tourmentai pas outre mesure et quand ma femme me pria d’aller dans un quartier éloigné quérir un vétérinaire qui nous était recommandé, je remis la course au lendemain, puis au surlendemain, pour ne pas abandonner mon travail. Enfin, un soir le fatal manuscrit était achevé, mais le matin suivant notre pauvre Papo gisait mort sur le plancher. Ma désolation fut partagée par Minna ; l’affection commune que nous portions à nos chers animaux domestiques demeura longtemps le lien cordial de notre existence conjugale.

Avec l’affection de nos animaux domestiques, j’avais conservé celle de mes amis de Zurich : ils m’étaient restés attachés même après la catastrophe qui avait frappé ma vie de famille. De toutes cependant, l’amitié de Sulzer demeurait la plus précieuse et la plus importante. Elle était, semble-t-il, motivée précisément par notre différence d’esprit et de tempérament. Sans cesse, nous nous causions des surprises réciproques qui, n’ayant jamais d’origine banale, nous amenaient à des expériences aussi intéressantes qu’instructives.

Sulzer, très irritable et d’une santé délicate, était entré contre son gré dans l’administration : faisant, au sens le plus large du mot, le sacrifice de ses goûts et de ses penchants, il avait obéi à sa conscience de citoyen dévoué. À son idée, ses rapports avec moi l’avaient entraîné dans