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L’OPÉRA ET LE DRAME » (FÉVRIER 1857)

consécutives et devant un auditoire fort attentif et sans cesse grandissant, je lus à haute voix le gros livre sur l’Opéra et le Drame, que j’avais écrit au cours de l’hiver. Il faut savoir qu’après mon retour à Zurich, ayant enfin recouvré un peu de calme et de contenance, j’avais songé aussitôt à me remettre sérieusement au travail. Cependant, il ne pouvait être question de composer la musique de la Mort de Siegfried. La pensée d’écrire une partition qui ne serait pas jouée me décourageait, et toujours je recherchais par quel chemin (et ce chemin fût-il même un grand détour) je pourrais arriver à faire représenter une telle œuvre. Et il me semblait indispensable d’intéresser au problème que j’avais à résoudre le petit nombre de mes amis qui, de près ou de loin, s’occupaient de mon art.

L’occasion de commencer ce travail d’éclaircissement me fut donnée par Sulzer, un jour qu’il me fit lire dans le grand Dictionnaire contemporain de Brockhaus un article sur l’Opéra qui, croyait-il, correspondait à mes idées. Un coup d’œil me suffit pour constater les défauts de cet article et je m’efforçai de démontrer à Sulzer la différence qui existait dans ces questions entre l’opinion de gens même fort intelligents et la mienne. N’arrivant pas à lui faire comprendre mes idées dans les explications trop brèves que je pus lui donner, j’esquissai dès mon retour au logis un plan détaillé de leur développement. Ainsi fut commencé l’ouvrage publié sous le titre d’Opéra et Drame, ouvrage qui m’absorba plusieurs mois, jusqu’en février 1851.

J’eus à expier cruellement l’ardeur que je mis à achever