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ENTREVUE AVEC AUGUSTA DE PRUSSE

tenait à cœur. Ce moment, je l’espérais ardemment, ne tarderait pas à venir. J’aurais pu croire qu’il était arrivé, lorsque l’année suivante je m’établis pour un temps assez long dans ces parages afin d’y achever mes Maîtres chanteurs, mais Schopenhauer venait de mourir et il ne me resta plus qu’à faire des réflexions mêlées de regrets sur ce que ma destinée avait d’incalculable. Ce n’était pas la première fois et ce ne fut pas la dernière. Je m’étais flatté que Liszt viendrait me rejoindre à Francfort, mais je ne trouvai qu’une lettre où il me disait qu’il lui était impossible de répondre à ma prière.

Nous nous dirigeâmes donc directement vers Baden-Baden et, tandis que Minna et son amie s’adonnaient aux tentations de la roulette, moi, je m’appliquai à obtenir une audience de ma haute protectrice. J’étais porteur d’une lettre de recommandation du comte de Pourtalès à la comtesse Hacke, dame d’honneur de Son Altesse Royale. Après quelque hésitation, elle me fit parvenir l’avis de me trouver l’après-midi, à cinq heures, dans le Trink-Hall. Je m’y rendis par un temps froid et humide. À cette heure de la journée, les environs de ce Trink-Hall plein de promesses étaient absolument déserts. Augusta, accompagnée de la comtesse Hacke, s’y promenait de long en large ; passant près de moi, elle daigna s’arrêter. Ses paroles se réduisirent presque uni quement à des protestations de sa complète impuissance, car j’eus l’imprudence de me souvenir de sa recommandation au roi de Saxe, et de la remercier de la faveur qu’elle m’avait fait accorder. Ceci parut la mécontenter et c’est avec quelques phrases banales qu’elle me