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CONCERT INTIME CHEZ Mme VIARDOT

à cette occasion, se chargea de me seconder dans les parties du chant ; pour l’accompagnement au piano, je fis venir Klindworth de Londres a mes frais. Ce concert tout intime eut heu chez Mme Viardot et en dehors de Mme Kalergis, en l’honneur de qui je le donnais, Berlioz fut l’unique auditeur. Mme Viardot avait désiré tout spécialement la présence de celui-ci : elle entendait évidemment provoquer un rapprochement entre nous. Je n’ai jamais su au juste l’impression que produisirent ces fragments détachés de mon opéra. Mme Kalergis demeura silencieuse. Berlioz vanta la chaleur de ma diction qui formait, en effet, un contraste frappant avec celle de ma partenaire : Mme Viardot n’avait pour ainsi dire cessé de chanter à demi-voix. Le plus mécontent de tous fut Klindworth ; il s’était acquitté de sa tâche à la perfection, mais il bouillait de colère de voir Mme Viardot, sans doute par égard pour Berlioz, ne mettre aucune ardeur à sa partie. Nous eûmes plus de satisfaction à exécuter chez moi le premier acte de la Walkyrie ; cette fois j’avais aussi invité le chanteur Niemann à venir nous écouter.

Celui-ci avait répondu à l’appel du directeur Royer en vue de son engagement. Son genre m’étonna ; en franchissant le seuil de ma porte, il m’interpella tout de suite : « Eh bien ! voulez-vous de moi, oui ou non ? » Cependant lorsque nous fîmes ensemble une visite au directeur, il s’efforça de laisser bonne impression de lui. Il y réussit ; la vue de ce ténor à la taille de géant causait d’ailleurs une surprise générale.

Il lui fallut toutefois se soumettre à un semblant