Page:Wagner - Ma vie, vol. 3, 1850-1864.pdf/281

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

269
CHOIX DES CHANTEURS

sonnel du Grand Opéra, j’assistai à plusieurs représentations. Je vis ainsi la Favorite, le Trouvère et Sémiramis, mais ces représentations ne servaient qu’à réveiller en moi la voix qui me disait nettement à quelle erreur je m’abandonnais. Et chaque fois en rentrant, je me sentais enclin à renoncer à l’aventure. Cependant dès que je voyais M. Royer, je me laissais séduire par la gracieuseté avec laquelle il m’offrait à nouveau de faire venir tous les acteurs que je désirais. Il s’agissait surtout d’un ténor pour le rôle principal ; je n’en avais guère qu’un en tête, c’était le célèbre Niemann de Hanovre. On le vantait énormément et même des Français, Foucher de Careil et Perrin qui l’avaient entendu dans mes opéras en Allemagne, certifiaient son talent. Le directeur parut admettre qu’une semblable acquisition serait toujours avantageuse pour son théâtre, et c’est ainsi qu’on invita Niemann à venir à Paris en vue d’un engagement.

M. Royer souhaitait aussi me voir accepter une Mme Tedesco, vraie « tragédienne » dont la beauté ferait merveille dans le rôle de Vénus. Sans avoir vu cette dame, je donnai mon consentement à cet excellent choix et le donnai aussi pour l’engagement d’une Mlle Sax, jeune cantatrice dont la fort belle voix n’était point gâtée encore. Je le donnai de même pour l’engagement du baryton italien Morelli, qui, par son bel organe sonore, contrastait agréablement avec les mièvres artistes de ce genre qui chantaient dans les opéras français. Je pensai donc avoir pris toutes les mesures nécessaires à la réussite de l’entreprise, mais en réalité je ne comptais guère sur un succès. C’est au milieu de toutes ces occupations que je célé-