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BÜLOW SE RÉVÈLE VIRTUOSE

phonie en ut mineur, rendus avec autant d’intensité qu’alors à Zurich, et je ne puis mettre en parallèle avec cette impression que celle que je reçus de l’orchestre du Conservatoire dans la Symphonie avec chœurs.

L’exécution de cette symphonie en ut mineur produisit un effet tout spécial sur notre public de concert et en particulier sur mon fidèle ami Sulzer, qui jusqu’alors s’était montré réfractaire à la musique. Il s’enthousiasma à tel point que, pour répondre à la critique malveillante d’un journaliste, il publia une satire écrite dans le style de Platen.

Dans le courant de cet hiver, je consentis encore à diriger l’Eroïca de Beethoven. C’est dans ce même concert que Bülow se produisit comme pianiste. Téméraire, et peut-être un peu irréfléchi, il choisit l’ouverture de Tannhäuser arrangée pour piano par Liszt, morceau aussi ingénieux que difficile. Bülow fit sensation et me remplit moi-même d’étonnement. Jusqu’alors je n’avais pas apprécié sa virtuosité à sa véritable valeur, et elle éveilla en moi la plus grande confiance dans l’avenir du jeune artiste.

Je le savais extraordinairement bien doué pour diriger et accompagner, car pendant l’hiver j’avais eu différentes occasions de constater son talent. Souvent, des amis se réunissaient chez moi ; nous avions formé une sorte de club dont seul le talent de Bülow rendait possibles les passe-temps ordinaires. Je chantais certains passages de mes opéras, et Hans m’accompagnait avec compréhension et intelligence. Dans ces réunions, je faisais aussi lecture de mes manuscrits : c’est ainsi que durant quelques soirées