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LA PRESSE ACHETÉE PAR MEYERBEER

concernait cette dame, Belloni apprit qu’elle avait reçu un précieux bracelet de Meyerbeer : « Ne comptez plus sur Berlioz ! » me dit-il alors. Et toute la question fut réglée par cet avertissement de mon intelligent agent.

À partir de ce moment, je ne vis plus que couvert de sombres nuages le visage autrefois rayonnant du bon Belloni. Il croyait avoir découvert que toute la presse parisienne m’était hostile au possible et cela sans doute en suite de l’extrême agitation qui, à Berlin, tourmentait Meyerbeer. Mon agent savait que, de là, Meyerbeer entretenait une correspondance passionnée avec les principaux feuilletonistes des journaux parisiens et qu’entre autres le fameux Fiorentino l’avait fait « chanter » en le menaçant de trouver bonne ma musique. Le compositeur avait naturellement dû acheter fort cher l’appui des journalistes. Belloni se tourmentait de plus en plus et me conseillait de songer avant tout à assurer le côté financier de l’entreprise ; si je n’y parvenais pas, il me fallait de toute nécessité obtenir la protection impériale. Ces bons avis me poussèrent à la prudence, toutes mes ressources pécuniaires ayant été épuisées par les frais que m’avait occasionnés mon installation à Paris. Je fus donc obligé de recourir aux Tuileries avec une énergie nouvelle, afin d’obtenir la cession gratuite du Grand Opéra et de son orchestre. Ollivier m’aida puissamment de ses conseils et de ses recommandations. Celles-ci me procurèrent des relations passagères fort hétérogènes. Je parvins ainsi dans le cabinet de M. Camille Doucet (chef de service du ministre Fould et simulta-