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ANIMOSITÉ DE BERLIOZ

naturelle, que m’inspirait sa santé. Il m’avait confirmé aussitôt qu’il ne se sentait pas bien et qu’il n’arrivait à résister aux violents accès d’une névralgie douloureuse qu’en se faisant traiter à l’électricité : c’était d’une de ces séances qu’il rentrait précisément. Afin de ne pas augmenter ses souffrances, j’avais voulu le quitter tout de suite, mais lui, confus sans doute de son manque d’aménité, avait insisté pour que je remontasse chez lui. Là, j’étais parvenu a le rendre de meilleure humeur en lui exposant ouvertement mes projets : par mes concerts, je n’avais en vue que d’attirer sur moi l’attention du public parisien pour arriver à organiser une saison d’opéra allemand. Ainsi j’entendrais une fois mes propres œuvres. Je lui affirmai, en outre, que je renonçais absolument aux représentations françaises de Tannhäuser dont le directeur Carvalho avait eu l’idée.

Cette explication avait rasséréné Berlioz qui, pendant un certain temps, eut avec moi des rapports très supportables, voire amicaux en apparence. Ce fut au point que j’avais cru pouvoir lui envoyer mes deux agents afin que lui, homme d’expérience, leur donnât des conseils sur le moyen de réunir de bons musiciens à Paris. Ils me rapportèrent qu’au début Berlioz s’était montré fort bien disposé. Mais sa manière changea du tout au tout le jour où Mme Berlioz, étant entrée dans la chambre pendant les pourparlers, s’écria d’un ton de mécontentement : « Comment, je crois que vous donnez des conseils pour les concerts de M. Wagner[1] ? » En ce qui

  1. Textuel.