Page:Wagner - Ma vie, vol. 3, 1850-1864.pdf/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

13
HANS ET CARL À SAINT-GALL

quoi il retournait ; las des colères que moi j’éprouvais de cet état de choses, nous décidâmes, d’accord avec le directeur du théâtre, de rompre un contrat devenu fort pénible. À cette même époque, on offrait à Hans un engagement de maître de chapelle à Saint-Gall ; j’abandonnai donc les deux jeunes gens à leur sort et ils partirent pour cette ville voisine afin d’y tenter la fortune ensemble, ou tout au moins de gagner du temps.

Quoique fort indisposé contre moi, M. de Bülow s’était résigné très sagement à accepter la résolution qu’avait prise son fils. À la vérité, il n’avait pas répondu à la lettre où je cherchais à justifier ma manière d’agir, mais il était venu voir Hans à Zurich dans le but de se réconcilier avec lui.

Dans le courant de l’hiver, je fis moi-même plusieurs visites aux deux jeunes gens à Saint-Gall. Carl avait éprouvé un nouvel échec en essayant de diriger l’ouverture d’Iphigénie de Gluck : je le trouvai donc ruminant de sombres pensées. Le manque d’occupation le maintenait dans cette assez malheureuse disposition d’esprit. Hans, au contraire, avec une troupe exécrable, un affreux orchestre et le misérable local qui lui servait de théâtre, était très actif, malgré tout ce qu’il rencontrait de pénible dans son métier. Voyant sa situation difficile, je lui déclarai qu’il avait suffisamment travaillé et qu’il en savait assez maintenant pour remplir avec succès les fonctions de chef d’orchestre dans une sphère plus digne de ses capacités. Restait à trouver cette sphère. Le jeune homme me raconta alors que son père lui avait promis des recommandations pour le baron de Poissl, intendant