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AUGUSTE DE GASPÉRINI

identifié à celui de cette œuvre qu’il serait absurde de vouloir en donner une autre. En ce qui concernait l’adaptation française, il doutait que le choix de M. de Charnal fût heureux. Cela me poussa à examiner le travail de ce très aimable jeune homme. À mon grand effroi, je reconnus qu’en effet il n’avait pas la moindre idée du caractère de la pièce, bien qu’il se vantât d’avoir collaboré au mélodrame de Schinderhannes[1], qu’il prenait pour un sujet romantique allemand. Touché de son zèle, j’essayai pourtant de faire concorder quelques-uns de ses vers avec ma musique, mais je me lassai bientôt de cette peine inutile.

Bülow m’avait recommandé à Auguste de Gaspérini, jeune médecin qui ne pratiquait plus guère. Il avait fait sa connaissance à Baden-Baden et avait reconnu en lui un goût prononcé pour la musique. Ne l’ayant point rencontré, car il était absent de Paris, j’avais écrit à Gaspérini et il m’avait envoyé une lettre pour son ami Leroy, très bon professeur de musique parisien. Par ses manières agréables, celui-ci conquit ma sympathie ainsi que ma confiance par le conseil qu’il me donna de ne plus m’occuper de M. de Charnal, qui n’était qu’un obscur journaliste. Il m’adressa à Roger, le chanteur alors si célèbre à Paris, homme intelligent et expérimenté qui savait l’allemand. Tout à fait soulagé de mon souci, j’acceptai l’invitation que Leroy me procura, par l’inter-

  1. Jean Buckler, dit « Schinderhannes », Jean l’Écorcheur, chef de brigands, né à Nastellen en 1779 et exécuté à Mayence en 1803, fut un des redoutables bandits connus sous le nom de garrotteurs ou chauffeurs.