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L’ARCHIDUC MAX. — SA PROTECTION

contribué à me faire rentrer avec joie dans la ville des lagunes et à m’y réfugier comme dans un asile sans poussière et sans chevaux maltraités.

D’ailleurs il ne dépendait plus tout à fait de moi de prolonger mon séjour à Venise. Le commissaire de police m’avait très poliment averti qu’à Vienne l’ambassadeur de Saxe intriguait constamment pour me faire chasser du territoire autrichien. Ayant déclaré que je ne songeais pas à y rester au delà du printemps, on me conseilla de m’adresser directement à l’archiduc Max, alors vice-roi à Milan et, me basant sur un certificat médical, de lui demander l’autorisation de demeurer à Venise jusqu’au moment voulu. Je le fis et aussitôt le prince envoya aux autorités vénitiennes l’ordre télégraphique de me laisser en paix. Mais je ne tardai pas à me rendre compte que la vigilance de la police augmentait à l’égard des étrangers : elle était motivée sans doute par les événements politiques qui alors agitaient violemment l’Italie. La guerre contre le Piémont et la France semblait imminente ; de toute évidence la surexcitation de la population croissait. Me promenant un jour sur la Riva avec Tessarin, nous tombâmes dans un rassemblement d’étrangers qui suivaient avec curiosité et déférence l’archiduc Max et sa femme, alors de passage à Venise. Je fus rendu attentif à l’événement par un brusque mouvement de mon compagnon qui m’avait saisi par le bras et s’efforçait de m’entraîner, afin, disait-il, de ne pas être obligé d’ôter son chapeau devant le prince. Mais, voyant le jeune archiduc, d’aspect imposant et sympathique, s’avancer dignement, je lâchai mon maître de piano en riant et me réjouis