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(JANVIER 1858). PROJET DE VOYAGE À PARIS

vait à mes opéras. Un jeune « auteur » parisien m’écrivit pour me demander l’autorisation de traduire Tannhäuser, que le directeur du Théâtre-Lyrique, M. Carvalho, songeait à faire représenter sur sa scène. Je fus grandement effrayé, car je craignais que la propriété de mon œuvre ne me fût pas reconnue en France et qu’on n’en disposât comme on voulait ; cela m’eût été fort désagréable. Je venais justement d’apprendre de quelle façon on agissait sous ce rapport au Théâtre-Lyrique : sous prétexte d’adapter l’Euryanthe de Weber à la scène parisienne, on l’avait grossièrement modifiée et mutilée.

La fille aînée de Liszt, Blandine, ayant épousé le célèbre avocat Émile Ollivier, j’étais sûr de trouver auprès de lui un appui avantageux. Je résolus donc de me rendre à Paris pour une huitaine de jours afin de constater où en étaient les choses et, tout au moins, de m’assurer mes droits d’auteur en France. De plus, je me trouvais dans une disposition d’esprit très mélancolique, conséquence du surmenage sans doute et d’occupations auxquelles Semper reprochait, non sans raison, d’être trop exclusivement sérieuses. Autant qu’il m’en souvient, je dépeignis cet état moral qui me faisait mépriser tous les soucis mondains dans une lettre que j’adressai à ma vieille amie Alwine Frommann, à la Saint-Sylvestre de 1857.

Le besoin d’interrompre mon labeur se fit bientôt tellement sentir qu’avant de m’être accordé ce voyage souhaité, j’éprouvai une véritable répugnance à commencer l’instrumentation du premier acte de Tristan et Iseult. Mon intérieur, Zurich et la société de mes amis ne m’offraient plus aucun délassement. Même le voisi-