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ENTENTE TACITE AVEC Mme WESENDONCK

toute ma bonne volonté, je n’arrivais pas à compatir à ses peines. Comme dérivatif, je proposai une excursion à Schaffhouse où la célèbre chute du Rhin, que je voyais pour la première fois de ma vie, ne fut pas sans me produire de l’impression.

À la même époque, les Wesendonck prirent possession de leur nouvelle villa, débarrassée enfin des stucateurs et des tapissiers de Paris. Alors ma vie entra dans une phase qui, sans être importante en soi, amena pourtant des changements notables dans mon existence et cela en suite de mes relations avec cette famille amie. Les rencontres journalières que nous valait notre voisinage de campagne avaient forcément rendu ces relations plus intimes. Or, j’avais remarqué à plusieurs reprises déjà que Wesendonck, dans son honnête franchise, manifestait une certaine inquiétude de ce que je devenais si familier dans sa maison. Pour le chauffage, l’éclairage, l’heure des repas, on avait envers moi des égards qui lui paraissaient empiéter sur ses droits de maître du logis. Quelques explications confidentielles devinrent nécessaires : il en résulta une entente plus ou moins tacite qui, avec le temps, prit une singulière importance aux yeux des autres gens. De sorte que nous dûmes mettre dans nos relations une certaine réserve qui amusa souvent les deux initiés. Chose remarquable, cette intimité de voisins commença précisément avec la création du poème de Tristan et Iseult.

C’est alors aussi que Robert Frantz vint me voir à Zurich. Les côtés agréables de sa personnalité me causèrent du plaisir et sa visite me rassura sur une sorte