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HOSPITALITÉ OFFERTE À DEVRIENT

rapprochée de la frontière et qui offrirait quelques res­sources artistiques. J’avais Strasbourg en vue. Mais Devrient m’en dissuada pour une foule de bonnes raisons. À son avis, une représentation à Carlsruhe serait plus aisée à organiser et aurait plus de chances de succès. Je lui fis seulement observer qu’il me serait impossible d’aller y surveiller l’étude de ma pièce, mais il prétendit qu’étant donné l’intérêt énergique et sérieux que me témoignait le grand-duc, je pouvais avoir bon espoir sur ce point. Cette perspective me fut très agréable, d’autant plus que Devrient me parla encore des talents exception­nels du jeune ténor Schnorr qui, paraît-il, s’était pris d’enthousiasme pour mes opéras. Tout à fait bien disposé, je fis donc de mon mieux pour offrir à Devrient une agréable hospitalité. Un matin, je lui jouai et chantai l’Or du Rhin en entier ; il le goûta énormément. Demi-sérieux, demi-plaisant, je lui dis qu’en créant le rôle de Mime, j’avais songé à lui, car si cela ne durait pas trop longtemps, il te représenterait un jour. De son côté, Devrient dut s’exécuter aussi et nous faire une lecture. J’avais invité mes amis avec Semper et Herwegh à l’écouter. Il nous lut les scènes d’Antoine dans le Jules César de Shakespeare et cela de façon si parfaite que Herwegh, d’abord méfiant et moqueur, reconnut de son plein gré le succès de l’artiste exercé.

De l’« Asile » même, Devrient écrivit une lettre au grand-duc de Bade, lui rapportant ce que je faisais et ce qu’il en était de mes affaires. Peu de temps après son départ, je reçus de la propre main du grand-duc une missive fort aimable : il me remerciait tout d’abord du