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JE DEVIENS LOCATAIRE DE WESENDONCK

posséder lui-même sur cette colline un domaine assez vaste pour y bâtir une grande villa à l’usage de sa propre famille. Peut-être m’en céderait-il alors un lopin… L’acquisition de cette propriété et la construction de sa maison, qu’il voulait spacieuse et confortable, absorbèrent dès lors mon ami ; peut-être aussi pensait-il que l’installation de deux familles dans le même enclos offrirait des désagréments, à la longue. Il songea donc à m’acheter une très modeste petite campagne avec jardin, qui n’était séparée de la sienne que par un chemin vicinal étroit, et que j’avais trouvée à mon gré aussi. Lorsqu’il m’annonça son intention, j’en fus heureux au delà de toute expression. Mais la déception fut d’autant plus forte quand un beau jour, l’imprévoyant acquéreur apprit que le propriétaire, las de ses tergiversations, venait de vendre son terrain à quelqu’un d’autre. Cet autre, heureusement pour moi, était un médecin aliéniste qui se proposait d’élever une maison de fous juste à côté de la propriété Wesendonck. La perspective fort désagréable qu’éveillait cette nouvelle eut pour conséquence de secouer mon ami de sa mollesse. Il mit toute son énergie en œuvre pour regagner ce terrain sur le néfaste docteur et réussit enfin, après mille ennuis, à l’acheter très cher. Et à Pâques de cette année, il m’offrait de me louer cette petite campagne au prix des huit cents francs de loyer que je payais au Zeltweg.

L’installation de la maisonnette, qui au printemps m’occupa passionnément, ne se fit pas sans de nombreuses contrariétés. La maison n’était arrangée que pour des villégiatures. Il fallait donc y mettre des poêles et tout