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NOUS NOUS SÉPARONS À RORSCHACH

Le lendemain 24 novembre, nous fûmes tous invités à différentes festivités chez le principal Mécène musical de l’endroit, le riche commerçant Bourit. On se mit au piano et Liszt nous joua entre autres la grande sonate en si bémol majeur de Beethoven. Kirchner déclara alors avec une sèche franchise : « Nous avons le droit de dire que nous venons d’assister à quelque chose qui ne paraissait pas possible et je crois encore à l’impossibilité de ce que nous avons pourtant entendu. »

Mon vingtième anniversaire de mariage tombant un de ces jours, on songea à le fêter et, aux sons de la marche nuptiale de Lohengrin, on organisa une amusante polonaise qui nous promena en cortège par toutes les chambres de l’hôtel.

Malgré tous ces agréables épisodes, j’eusse été bien aise de m’en retourner dans mon paisible asile de Zurich. Une indisposition de la princesse retarda de plusieurs jours le départ de mes amis pour l’Allemagne et il nous fallut encore passer ce temps inutile avec eux. Enfin, le 27 novembre, je pus les accompagner jusqu’à Rorschach où je me séparai d’eux sur le bateau à vapeur. Depuis, je n’ai revu ni la princesse ni sa fille et il est probable que nous ne nous rencontrerons plus jamais.

Je ne les avais pas quittés sans inquiétude, car la princesse était réellement malade et Liszt très souffrant. Je leur avais conseillé de rentrer bien vite se soigner à Weimar. Aussi ai-je été étonné d’apprendre qu’au lieu de cela, ils s’arrêtèrent à Munich où ils firent un long séjour, riche de distractions et de jouissances artistiques. Et je me suis dit que ce n’était décidément pas mon fait