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LES SYMPHONIES DE LISZT

musicien, c’était le finale primitif de sa Faust-symphonie : le souvenir poignant de Marguerite y flottait pur et léger sans que l’attention fût forcée par des moyens violents. Il me semblait donc que la Dante-symphonie devait s’achever de même, le « Paradis » n’y étant rappelé que par la douce intonation du Magnificat planant en délicate harmonie.

Quel ne fut donc pas mon effroi d’entendre ces belles intentions coupées brusquement par un motif emphatique et plagié qui, à ce qu’on m’affirma, devait représenter le « Domenico » ! Je m’écriai : « Non, non ! Pas cela ! Enlève cela ! Pas de Seigneur Dieu majestueux ! Conservons ce flottement vague et délicat ! — Tu as raison, répondit Liszt, c’était aussi mon idée ; la princesse a été d’un autre avis. Mais il en sera fait selon ton conseil. »

J’étais content. Aussi, plus tard, mon chagrin fut-il extrêmement vif d’apprendre que non seulement la fin du Dante est restée telle quelle, mais encore que celle de Faust, dont j’appréciais tant la délicatesse, avait été remplacée par un finale à grand effet renforcé de chœurs. Ce simple incident indique bien la nature des rapports que j’avais avec Liszt comparés à ceux que Liszt entretenait avec son amie Caroline de Wittgenstein !

Cette dame et sa fille Marie étant attendues à Zurich, on se prépara à les recevoir. Mais avant leur arrivée, il se passa chez moi, entre Liszt et Cari Ritter, une scène extrêmement pénible. La physionomie de Ritter et surtout sa laconique et dédaigneuse façon d’exprimer ses opinions semblaient porter sur les nerfs de Liszt. Un soir, celui-ci nous parla avec admiration des services