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CURE HYDROTHÉRAPIQUE À MORNEX

silésien Priessnitz qui soignait par l’eau et la nature. Il le quitta absolument guéri et s’appropria la méthode qui lui avait si bien servi. Homme intelligent et instruit, il la débarrassa de toutes les rudesses de son inventeur et essaya de se refaire une clientèle en créant un établissement hydrothérapique à Meudon. Mais il n’eut pas de succès auprès des Parisiens. Ses anciens clients, auxquels il proposait de venir visiter son installation, lui répondaient en demandant si l’on y dansait le soir. Il ne fit pas ses affaires et c’est grâce à cette circonstance que je le rencontrai près de Genève où il faisait une nouvelle tentative pour l’emploi lucratif de sa méthode. Il se distinguait aussi de ses collègues spéciaux en n’acceptant qu’un nombre très limité de malades. Il est impossible, disait-il, de garantir un bon résultat si l’on n’observe pas exactement ses patients à toutes les heures de la journée. La bonté de son système, qui me réussit si bien, résidait principalement dans la douceur des procédés et une application ingénieuse de l’eau attiédie.

De plus, Vaillant s’occupa avec une amabilité marquée à satisfaire mes désirs, spécialement mon besoin de calme et de solitude. Je fus dispensé du déjeuner en commun, qui m’était pénible et m’agitait, et il me permit de me préparer le thé moi-même dans ma chambre. Mais après les fatigues de la cure matinale, je profitai du mystère dont s’entourait un privilège que les autres pensionnaires devaient ignorer pour m’adonner avec excès à cette jouissance nouvelle : deux heures durant, les verrous tirés, je vidais tasse sur tasse en lisant Walter Scott. À Genève, j’avais trouvé de cet auteur une jolie