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LE DOCTEUR VAILLANT

dame de la pension vint me déclarer que le mécontentement était décidément trop vif parmi ses hôtes : il ne leur suffisait pas d’avoir le salon pour le service divin, ils le voulaient aussi pour les jeux de la semaine. On me donna mon congé et il me fallut chercher un abri chez le voisin.

Ce voisin était un docteur Vaillant qui, dans une grande et belle maison, avait installé un établissement hydrothérapique. Tout d’abord, je n’avais que l’intention de prendre chez lui des bains chauds sulfureux. Mon médecin de Zurich m’en avait conseille l’usage. Mais ces bains ne se préparaient pas dans l’établissement. Cependant la personne du docteur Vaillant me plaisant beaucoup, je lui parlai de ma maladie. Lorsque je fis allusion au soufre et a une certaine eau puante que je devais boire, il sourit et me dit : « Monsieur, vous n’êtes que nerveux. Tout cela vous agitera encore davantage. Vous n’avez besoin que de repos. Voulez-vous vous confier à moi ? Je vous promets qu’au bout de deux mois, vous serez remis de telle sorte que vous n’aurez plus à craindre l’érésipèle. »

Il a tenu parole. Cet excellent médecin me donna meilleure opinion de l’hydrothérapie que le fameux « trafiquant d’eau » d’Albisbrunn et autres ineptes dilettantes. Vaillant avait été praticien célèbre à Paris Lablache et Rossini même l’avaient consulté ; mais il avait eu le malheur d’être soudain frappé d’une paralysie des deux jambes. Après avoir traîné quatre ans, avoir perdu toute sa clientèle et être tombé dans la misère, il avait eu l’idee de se faire transporter chez le médecin