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SEMPER À LONDRES

je vis à Londres où il était établi depuis longtemps avec sa famille. À Dresde, autrefois, je l’avais connu violent et même maussade ; maintenant il me surprit par le calme et la résignation avec lesquels il supportait la rupture de sa carrière d’artiste et tirait profit de son grand talent suivant les circonstances. En Angleterre il ne pouvait espérer recevoir de commandes pour des constructions importantes ; cependant il attendait quelque chose de la protection que lui accordait le prince Albert et qui lui ouvrait des perspectives pour l’avenir. Il se contentait, en attendant, de dessiner des ornements architecturaux et des meubles de luxe, et il y consacrait autant de zèle et de conscience qu’à de grandes bâtisses. Ces travaux lui étaient bien payés, du reste. Nous nous rencontrions souvent et je passai plusieurs soirées chez lui à Kensington. Nous retrouvions alors notre vieille disposition d’esprit et l’humour sérieux qui nous était propre et nous aidait à supporter les désagréments de l’existence.

Ce que je racontai de Semper, en rentrant à Zurich, contribua puissamment à ce que Sulzer usât de son influence pour le faire nommer professeur à l’École polytechnique fédérale qu’on allait créer.

Dans mes loisirs, je vis plusieurs théâtres de Londres. Les scènes londoniennes étaient assez intéressantes, sauf celles de l’Opéra où je ne mis naturellement pas les pieds. Le petit « Adelphi-Theatre », au Strand, m’attirait surtout ; Praeger et Lüders durent m’y accompagner souvent. On y donnait, sous le nom de Christmas, des contes populaires dramatisés. L’une de ces représenta-