Page:Wagner - Ma vie, vol. 3, 1850-1864.pdf/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

113
LA REINE VICTORIA ET LE PRINCE ALBERT

quences. Je me décidai donc à rester, mais sans plus avoir aucun espoir de donner jamais une impulsion sensible à la vie musicale de Londres.

Il n’y eut de véritable stimulation qu’au septième concert : la reine le choisit pour sa visite annuelle à ces auditions. Elle avait fait demander par son mari, le prince Albert, qu’on jouât l’ouverture de Tannhäuser. Par la prcsence de la cour royale, cette soirée prit un air d’agréable solennité. J’eus le plaisir d’être appelé auprès de la reine et du prince consort, et je m’entretins avec eux d’une façon assez animée. La conversation tomba sur la possibilité de représenter mes opéras au théâtre et le prince Albert ayant fait la remarque que les chanteurs italiens seraient incapables de rendre ma musique, je fus amuse d’entendre la reine répliquer que ces acteurs italiens étaient pourtant presque tous des Allemands. Je conservai de cette soirée une impression réconfortante : évidemment, elle constituait une démonstration en ma faveur, mais elle n’aboutit pas à grand’chose, car, après comme avant, la grande presse continua à prétendre que tous mes concerts faisaient fiasco. Ferdinand Hiller qui, alors, assistait à une fête de musique dans la Province rhénane, se crut autorisé à proclamer que ça ne marchait pas à Londres et qu’on m’en avait, pour ainsi dire, chasse. Cependant une belle satisfaction m’attendait au dernier concert : il s’y passa une de ces scènes rares qui résultent de l’explosion des sentiments longtemps étouffes. Après mes succès, les membres de l’orchestre n’avaient pas tardé à s’apercevoir que pour être bien noté auprès de leur chef tout-puissant, M. Costa,