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LES CONCERTS « PHILHARMONIQUES »

valait sa place au Times, habitué à recevoir les hommages de quiconque débarquait en Angleterre dans un but musical. Jenny Lind elle-même s’était soumise à cette exigence et en avait retiré de grands avantages. La Sontag, seule, alors comtesse Rossi, avait cru pouvoir passer outre. Moi, je n’avais d’autre projet en tête que de jouir du riche et bon orchestre avec lequel j’arriverais à donner de belles auditions, aussi fus-je extrêmement découragé d’apprendre que je n’étais pas libre de fixer le nombre d’exercices qui me paraissaient nécessaires. Pour des raisons d’économie, la Société me priait de me contenter d’une seule répétition avant chaque concert où il fallait jouer deux symphonies et plusieurs autres morceaux. Cependant, par ma direction, j’espérais arriver à provoquer une certaine émulation ; mais arracher quelque chose à la routine était absolument impossible à Londres. Je ne tardai donc pas à reconnaître que les devoirs que j’avais assumés devenaient pour moi la plus pénible des corvées.

Au premier concert, nous exécutâmes l’Eroïca de Beethoven et le succès de ma direction apparut si incontestable que le comité de la Société se montra disposé à d’importants sacrifices pour le deuxième concert. On me demanda d’y faire figurer des fragments de mes compositions ainsi que la Symphonie avec chœurs, et, par exception, on m’accorda deux répétitions. Le concert marcha assez bien. J’avais esquissé un programme explicatif pour mon ouverture de Lohengrin, mais, avec des mines critiques, on y supprima les mots Holy Gral et God, qu’il n’était pas permis d’employer dans une audition