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À PARIS. LECTURE DES « NIEBELUNGEN »

mais j’ai appris dans la suite les choses les plus extraordinaires sur son animosité contre Liszt et contre moi.

En retournant en Allemagne, nos jeunes amis eurent 1 amusante mésaventure d’entrer en conflit avec la police qui les arrêta comme perturbateurs du repos public : ils avaient fait leur entrée à Bade aux sons bruyants de la fanfare de Lohengnn et la population avait eu grand’-peine à comprendre le sens de cette manifestation.

Notre commun voyage à Paris, de même que le séjour dans cette ville, fut riche en impressions profondes, résultat de l’amitié presque passionnée que nous avions l’un pour l’autre. Le soir de notre arrivée, fort tard, après être parvenus à loger ces dames à l’« Hôtel des Princes », Liszt m’entraîna dans une promenade sur les boulevards absolument déserts à cette heure avancée. Je crois que nos sentiments alors étaient aussi différents que l’étaient nos souvenirs.

Le lendemain, quand j’entrai dans la chambre de mon ami, il me dit avec un sourire particulièrement amical que la princesse Marie se montrait déjà fort agitée, tant elle était désireuse d’entendre une nouvelle lecture. Pour mon compte, Paris m’était indifférent ; la princesse Caroline désirant de son côté être remarquée le moins possible, et Liszt étant occupé par ses affaires de famille, il en résulta cette aventure originale qu’avant même d’avoir mis le pied sur le pavé de Paris, nous consacrâmes la première matinée à continuer la lecture commencée à Bâle. Et les jours suivants, on n’eut de cesse que je n’eusse lu à haute voix toutes les parties de mon Anneau des Niebelungen.