de faire réussir mon œuvre. Comment y arriver ? C’était et cela resta la question secrète dont dépendit désormais le développement de ma vie.
Mais je n’avais pas le temps de réfléchir utilement à la signification idéale de cette question, la signification matérielle de mon échec se dressait devant moi comme un avertissement effrayant. Je ne pouvais plus différer les pénibles démarches destinées à détourner la catastrophe qui me menaçait.
J’y fus poussé par un présage ridicule. Mon commissionnaire et soi-disant éditeur des trois opéras : Rienzi, Fliegender Hollaender et Tannhäuser, M. C.-F. Meser, le très bizarre libraire musical de la cour, me fit venir un jour au cabaret du « Verderber » afin de conférer sur nos affaires. Fort inquiets, nous discutâmes sur la possibilité d’obtenir un médiocre, ou peut-être un tout à fait mauvais résultat à la prochaine foire de Pâques. Je remontai son courage et commandai une bouteille du meilleur Haut-Sauternes. On nous apporta un flacon vénérable : je remplis nos verres, nous trinquâmes au bon succès de la foire, nous bûmes et… nous poussâmes des cris de possédés en crachant le très fort vinaigre à l’estragon qu’on venait de nous servir par erreur. « Grand Dieu ! s’écria Meser, il ne pouvait rien arriver de pire ! — En effet, répliquai-je, je crois que bien des choses vont tourner pour nous au vinaigre. » Et dans mon humour, je vis avec la rapidité de l’éclair qu’il me fallait chercher ailleurs qu’à la foire le secours nécessaire.
Non seulement j’avais à restituer les capitaux obtenus avec tant de difficultés et qu’avaient dévorés les