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NOUVELLES PROVOCATIONS

tressaillit involontairement et que ses yeux semblèrent lancer un éclair ; cependant, il se ressaisit en présence de notre ami et accomplit les formes ordinaires de la provocation. Un duel au sabre fut arrêté.

Le cas fit sensation parmi les camarades et je sentis moins que jamais la nécessité de quitter leur société ; seulement je devins plus attentif à leurs fanfaronnades, et, pendant quelque temps, il ne se passa pas de soirée sans que j’eusse provoqué l’un ou l’autre de ces enragés bretteurs.

Sur ces entrefaites, un membre de la Saxonia qui était revenu à Leipzig, le comte de Solms, arriva chez moi pour s’enquérir de l’état des choses. Il me félicita de ma conduite, mais me conseilla pourtant de cesser ces relations dangereuses et de ne plus porter nos couleurs jusqu’au retour de nos « compatriotes ». Ce temps ne fut heureusement pas de longue durée. L’Université recommençait à s’animer ; la salle d’armes se repeuplait. Mon incroyable situation, vis-à-vis d’une demi-douzaine des plus terribles duellistes, me valut la plus glorieuse des renommées auprès des « jeunes » et même des « anciens » de la Saxonia. Les « seniors » réglèrent mes affaires et fixèrent les délais de mes différentes rencontres de manière à me laisser le temps d’acquérir une certaine dextérité à l’escrime. J’étais étonné moi-même de l’insouciance avec laquelle je considérais un avenir dans lequel ma vie serait plus d’une fois en danger. La façon dont le Destin me préserva des suites de mes imprudences m’étonne aujourd’hui encore ; c’est pourquoi je m’arrêterai à conter comment les choses se passèrent.