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DÉSIR DE DEVENIR ÉTUDIANT

en elle la garde nationale française, et déjà je voyais en mon beau-frère Brockhaus un Lafayette saxon ; c’en était assez pour nourrir mon exaltation. Je me mis à lire avidement les journaux et à faire de la politique. Cependant la société des bourgeois ne pouvait me satisfaire au point de me rendre infidèle à celle de mes chers étudiants. Du corps de garde, je les suivis dans les cafés et les locaux où ils se retirèrent, et leur gloire avec eux.

Mon unique désir fut désormais de devenir enfin étudiant moi-même. Ce n’était possible qu’en me résignant à faire un dernier stage dans un lycée. Je choisis le collège Saint-Thomas, alors dirigé par un vieillard sans énergie, et j’y entrai à l’automne 1830. Mon but était de me préparer rapidement au baccalauréat et d’acquérir le droit de me présenter aux épreuves en fréquentant l’école pour la forme. Mon principal souci fut de fonder avec des amis animés de mêmes sentiments que moi une société copiant les corporations, d’étudiants. Cette société s’organisa avec tout le pédantisme de rigueur : nous avions des statuts réglementant nos beuveries ; nous faisions l’escrime, et le « Commers » (ou banquet) de fondation ne manqua pas. Nous y avions invité quelques étudiants de marque ; je le présidai, avec le titre de « subsenior ». En culotte de peau blanche et hautes bottes, j’apprenais à connaître les délices qui attendaient le véritable étudiant.

Cependant les professeurs de l’école Saint-Thomas ne réalisèrent pas ce que j’espérais d’eux ; à la fin du semestre, ils déclarèrent que, ne m’étant pour ainsi dire pas montré en classe, il était impossible que j’eusse accru