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MILICES D’ÉTUDIANTS

et comme Leipzig se trouvait sans troupes et que la police était complètement désorganisée, ce fut aux étudiants qu’on demanda aide et protection contre la populace. Et alors commença pour la jeunesse universitaire une période de gloire telle que je n’aurais jamais osé la souhaiter dans mes rêves les plus hardis de collégien.

Les étudiants devinrent les dieux protecteurs de Leipzig. Invités par les autorités à s’organiser et à s’armer, ces mêmes jeunes gens qui, deux jours auparavant, s’étaient laissé entraîner à la rage de la destruction, accoururent tous et se rassemblèrent dans la cour de l’Université. Les conseillers municipaux et les chefs de la police appelèrent eux-mêmes par leurs noms, honnis jusqu’alors, les diverses corporations d’étudiants, et, répondant à l’appel, des jouvenceaux curieusement équipés sortirent du rang et s’organisèrent en milice rudimentaire, puis se répandirent par toute la ville. Ils s’installèrent dans les corps de garde, établirent des postes de défense près des propriétés de quelques riches commerçants, et enfin, selon leur bon plaisir, prêtèrent leur appui aux établissements plus ou moins menacés, et parmi ceux-ci les auberges jouirent naturellement d’une vogue durable. Tout en regrettant de n’être pas encore émancipé du collège, je cherchais à goûter d’avance les délices que me réservait la vie universitaire en m’insinuant dans les bonnes grâces des principaux chefs des étudiants. La conquête de leur faveur m’était du reste rendue facile par la parenté qui m’alliait à Brockhaus, chez lequel les « coqs » (c’est ainsi qu’on appelait les chefs de cette nouvelle police) avaient établi pour un temps leur quartier général. Mon