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« HISTOIRE UNIVERSELLE », DE BECKER

Mon beau-frère Brockhaus, pour me faire gagner quelque argent de poche, me chargea de corriger les épreuves d’une nouvelle édition de l’Histoire universelle, de Becker, revue par Lœbell et imprimée chez lui. Ainsi, j’avais l’occasion de compléter par un travail personnel le savoir purement superficiel qu’on acquiert à l’école dans chaque branche. Je pus donc, et ce fut toujours le cas ma vie durant, m’approprier par moi-même les connaissances dignes d’intérêt pour lesquelles le lycée ne m’avait donné que de l’indifférence. Je dois avouer pourtant que cette première étude approfondie de l’histoire devait un peu de son charme aux huit « groschen » qu’elle me rapportait par feuille. Je me trouvai ainsi dans une des rares situations de ma vie où j’ai réellement gagné de l’argent. Cependant je m’accuserais à tort en n’ajoutant pas que certaines périodes de l’histoire, que je ne connaissais alors que d’une façon très imparfaite, m’intéressèrent extraordinairement et me laissèrent une impression d’autant plus vive que je les étudiais pour la première fois sérieusement.

À l’école, je n’avais été attiré que par l’histoire grecque : Marathon, Salamine et les Thermopyles étaient en résumé ce qui avait fixé mon attention. J’appris donc à mieux connaître le moyen âge et la Révolution française, car mes feuilles comprenaient précisément ces époques. Je me souviens que la description de la Révolution me remplit d’aversion pour ses héros. Ignorant absolument ce qu’avait été l’ancien régime, je m’indignai, par pure compassion humaine, contre les horreurs commises par les révolutionnaires, et ce sentiment m’a dominé si long-