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SORTIE DE L’ÉCOLE SAINT-NICOLAS

les prérogatives de la corporation. Au milieu du bruit de cette vie d’orgies et de folies, je demeurais donc réellement isolé, et il est possible que cette période de débauches m’ait été utile, en ce sens qu’elle me préserva de l’affaiblissement qui serait nécessairement résulté d’un travail productif prématuré, prolongé trop longtemps. Quoi qu’il en soit, en apparence, mais en apparence seulement, je m’éparpillai de tous côtés. La conséquence de ma conduite fut que je dus quitter l’école Saint-Nicolas, à Pâques 1830, car j’étais trop mal vu des professeurs pour pouvoir espérer être admis à l’Université sur leur recommandation. Il fut donc décidé que, six mois durant, je prendrais des leçons particulières avant de me présenter au lycée Saint-Thomas, où j’entrerais dans un milieu nouveau, et il ne dépendrait que de moi d’être au bout de peu de temps prêt à entrer à l’Université. Je me retrouvais en bons termes avec mon oncle Adolphe, son influence stimulante et encourageante s’exerçait sur mon éducation musicale aussi bien que sur mon instruction, et, dans les moments les plus sombres de mon existence insensée d’alors, il savait réveiller mon penchant pour les études. Je pris donc des leçons de grec chez un érudit et nous lûmes ensemble Sophocle. Un certain temps, j’eus l’espoir que cette noble occupation me donnerait le goût d’approfondir la langue grecque. Il n’en fut rien. Le maître qu’il me fallait n’était pas encore trouvé ; de plus, la pièce où mon professeur me faisait travailler avait ses fenêtres sur une tannerie, dont l’odeur désagréable affectait au plus haut degré mes nerfs olfactifs et me dégoûta complètement de Sophocle et du grec.