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POÈME GREC

beau-frère Brockhaus proposa alors de m’envoyer chez Hummel, à Weimar, afin qu’il fît de moi un bon pianiste. Mais je déclarai avec emportement que, pour moi, « se vouer à la musique » signifiait « composer » et non pas « jouer d’un instrument ». On céda, et l’on convint de s’adresser à Müller, le professeur dont j’avais déjà reçu secrètement des leçons non rétribuées ; il devait m’enseigner l’harmonie dans toutes les règles. Et moi, je jurai de reprendre avec tout le sérieux désirable mes études au lycée Saint-Nicolas. Mais j’endurai bientôt une double torture : des deux côtés, le joug me pesait, et malheureusement autant du côté des leçons de Müller que de l’autre. Les difficultés de l’harmonie me rebutaient de plus en plus et je me dédommageais en continuant à composer fantaisies, sonates et ouvertures, sans en rien dire à personne.

Poussé par l’amour-propre, je résolus cependant de montrer au collège’de quoi j’étais capable quand je le voulais bien On nous avait donné en seconde un exercice de versification comme devoir. J’écrivis un chœur en vers grecs sur lar guerre de l’Indépendance de la Grèce. Je suppose que ce poème était à peu près à la langue grecque et à sa métrique ce que mes sonates et ouvertures étaient à la musique correcte, car mon essai fut taxé d’impertinence et on me le rendit avec dédain. À partir de ce moment mes souvenirs de collège s’effacent. Je faisais à ma famille le sacrifice de fréquenter les cours, mais sans me soucier le moins du monde de ce qu’on y enseignait. Pendant les leçons, je lisais en cachette ce qui me plaisait.

L’enseignement musical que je recevais ne portant