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LE « FREISCHÜTZ »

que je voulais devenir. Musicien, peut-être ? Ma mère répondit que, sauf mon engouement pour le Freischütz, elle n’avait encore rien remarqué en moi qui fît prévoir un talent musical. L’observation de ma mère était juste, rien ne m’empoignait comme la musique du Freischütz. De toute façon, j’essayais de faire renaître en moi les impressions que me produisait cette musique ; mais, chose curieuse, sans songer à apprendre à jouer moi-même d’un instrument. Il me suffisait d’écouter mes sœurs l’exécuter. Ma passion pour cet opéra devint si forte que je me souviens avoir éprouvé un penchant extraordinaire pour un jeune homme, du nom de Spiess, par la seule raison qu’il savait jouer l’ouverture du Freischütz. Je lui demandais de la jouer chaque fois que je le voyais. Et c’est l’enthousiasme que m’inspirait l’introduction à cette ouverture qui me poussa à essayer de la rendre à ma façon sur le piano, sans que j’eusse jamais pris de leçons. Il est étonnant que je sois le seul de mes frères et sœurs auquel on n’ait point enseigné cet instrument. Ma mère craignait sans doute que de telles études pussent m’inspirer le goût du théâtre. Cependant, vers ma douzième année, elle engagea un précepteur, nommé Humann, qui me donna des leçons de piano régulières, bien que fort imparfaites.

Je possédais à peine mon doigté que déjà je voulus étudier des ouvertures à quatre mains, car jouer celles de Weber était mon souhait et mon rêve. Lorsque je fus parvenu à exécuter le Freischütz tout seul, quoique avec des fautes, je ne sentis plus la nécessité de continuer mes études de piano. Je n’étais plus dépendant de personne