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DÉPART POUR L’ALLEMAGNE

de ma vie matérielle, je passai en fort bonne disposition la seconde partie de l’hiver, du nouvel an au printemps de 1842, et je répandis la gaieté dans le petit cercle de connaissances qui, par mes parents Avénarius, s’était formé autour de moi. J’allais souvent chez eux avec Minna, ainsi que dans d’autres familles parmi lesquelles se trouvait celle de M. Kuhne, chef d’une institution pédagogique. J’ai conservé de lui et de sa femme le meilleur souvenir. Ils donnaient de petites soirées que j’animais par ma conversation et la bonne humeur avec laquelle je me mettais au piano pour improviser des danses que l’on dansait vraiment. Je fus même sur le point d’acquérir ainsi une popularité presque incommode.

L’heure de la délivrance sonna enfin. Le jour parut où je tournai le dos à Paris, souhaitant de tout mon cœur ne plus jamais y revenir. C’était le 7 avril 1842. La ville s’épanouissait dans sa beauté printanière. Sous nos fenêtres, qui donnaient sur un jardin bien dénudé en hiver, les arbres verdissaient et les oiseaux chantaient.

Notre émotion fut grande, presque accablante, lorsqu’il nous fallut prendre congé de nos pauvres fidèles amis Anders, Lehrs et Kietz. Anders semblait ne plus devoir vivre longtemps ; avec l’âge, sa santé avait sérieusement décliné. Quant à Lehrs, il n’y avait plus d’illusions à se faire. Nous avions le cœur navré de constater la dévastation qu’en un si court espace de temps (les deux ans et demi de mon séjour à Paris) la misère avait pu causer en eux, des êtres si nobles, si bons et même si remarquables.

Kietz, dont l’avenir m’inquiétait moins pour sa santé que pour son caractère, nous donna, au moment du dé-