Page:Wagner - Ma vie, vol. 1, 1813-1842.pdf/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

348
RELATIONS AVEC HALÉVY

était qu’il fût original et réservé à la seule musique de Lachner qui devait le glorifier. Mais on dut bientôt constater que Saint-Georges avait envoyé à Munich à peu près le texte de la Reine de Chypre, et ne l’avait modifié qu’en lui enlevant plusieurs passages intéressants. Grande fut la colère de l’intendant munichois. Saint-Georges, lui, s’étonna de ce que l’Allemand eût pu s’imaginer que pour le prix dérisoire qu’il avait mis à la commande, on lui fournirait un libretto unique et spécialement réservé à l’Allemagne. Comme je savais à quoi m’en tenir sur cette fabrique française de livrets d’opéra et que, pour rien au monde, je n’aurais consenti à mettre en musique les pièces aux plus superbes effets de Scribe ou de Saint-Georges, je me divertis beaucoup de cet incident et j’en parlai avec verve aux lecteurs de l’Abendzeitung, parmi lesquels ne se trouvait point, je l’espère, mon futur « ami » Lachner.

Les arrangements de l’opéra d’Halévy me mirent en relations avec le maître lui-même et me procurèrent l’occasion de m’entretenir fréquemment et d’agréable maniéré avec cet homme excellent, vraiment modeste, mais qui malheureusement se fatigua avant l’âge. Son indolence mettait Schlesinger hors de lui. Halévy avait lu mon arrangement pour piano et voulait y apporter quelques modifications qui le rendissent plus facile à jouer, mais il n’y arrivait pas. Schlesinger ne recevant pas ses épreuves, sa publication était retardée et il commençait à craindre que la vogue de l’opéra ne fût épuisée avant que l’édition pût être lancée. Il m’enjoignit donc d’aller trouver Halévy chez lui, le matin de bonne