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BONNE HUMEUR À MEUDON

musique que, le premier jour, je n’osai pas ouvrir le piano qu’on avait transporté dans notre demeure. Je craignais, en vérité, de constater que mon cerveau était totalement vide… lorsque, soudain, il me sembla que j’avais oublié de transcrire l’air du pilote du premier acte. Je venais justement d’en terminer les vers. Je me mis donc immédiatement à le composer et cela me réussit. Il en fut de même du Chant des Fileuses. Et, m’étant assuré que ces deux mélodies n’étaient point des réminiscences, je ressentis une joie folle à constater que je savais encore composer.

Toute la musique du Fliegender Hollaender fut écrite en sept semaines ; il ne restait plus qu’à l’instrumenter.

Alors, ce fut en moi un vrai renouveau ; ma bonne humeur remplit chacun d’étonnement ; mes parents Avénarius, spécialement, ne doutèrent plus, en présence de ma gaieté, que notre situation ne fût bonne. Je faisais de grandes promenades dans les bois de Meudon et je m’entendais même à aider Minna dans la cueillette des champignons. Pour elle, cette cueillette était malheureusement le charme principal de notre solitude dans la forêt. Lorsque nous rentrions chargés de butin, nous remplissions d’épouvante notre propriétaire, qui nous assurait que nous finirions par nous empoisonner. Le sort qui me conduisit toujours vers l’extraordinaire m’avait cette fois aussi fait échouer près du plus grand original de propriétaire qu’on pût rencontrer non seulement aux environs de Meudon, mais même à Paris.

M. Jadin était si âgé qu’il prétendait avoir vu Mme de Pompadour à Versailles, mais il n’en était pas moins