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VAINE POURSUITE DE ROBBER

le chien qu’on m’avait volé l’année passée. Je crus d’abord être le jouet d’une hallucination et j’appelai Robber d’une voix stridente. L’animal me reconnut immédiatement et se rapprocha de moi, mais comme je marchais brusquement sur lui, le bras tendu, il craignit, semble-t-il, d’être battu, car je l’avais sottement fouetté plusieurs fois les derniers temps qu’il était encore auprès de moi. Cette crainte parut chasser tout autre souvenir, il recula effrayé ; je me hâtai de le poursuivre, mais il se sauva plus rapidement encore. Il m’avait reconnu, j’en étais sûr ; au coin des rues, il se retournait vers moi avec inquiétude, et, me voyant courir après lui comme un fou, il fuyait d’autant plus vite aussi. Cette chasse éperdue par des rues à peine reconnaissables dans le brouillard m’amena enfin devant l’église Saint-Roch, où je m’arrêtai en nage, haletant et portant toujours mon métronome sous le bras. N’apercevant plus le chien, je demeurai là un certain temps, pétrifié, cherchant à percer la brume de mon regard et me demandant ce que signifiait, en cette journée néfaste, l’apparition spectrale de mon ancien compagnon de voyage. Comme une bête sauvage et farouche, Robber avait fui son maître et mon cœur se remplit d’amertume. Tout ébranlé par cette aventure, où je voyais un présage horrible, et les genoux vacillants, je retournai à mes tristes affaires.

Henri Brockhaus m’assura qu’il lui était impossible de me venir en aide ; je le quittai profondément humilié, en m’efforçant de lui dissimuler ce que cette humiliation avait de douloureux. Je n’eus pas plus de succès ailleurs, et après avoir dû, dans le bureau de Schlesinger, sup-