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RÉSOLUTION DE QUITTER RIGA

de la perte de mon traitement de directeur pendant cette année. Quoique ces témoignages d’estime me fussent précieux, j’avais un trop vif désir de briser définitivement avec le genre théâtral que je connaissais, pour ne pas me servir de ce prétexte et abandonner tout de suite ma carrière actuelle dans le but d’en choisir une totalement nouvelle.

Non sans adresse, je profitai de l’excitation et de l’amertume qu’avait causées à ma femme la perfidie dont j’étais victime pour la familiariser avec mon projet d’aller à Paris. Par l’ampleur que je donnais à mon Rienzi, je ne pouvais le représenter que sur les plus grandes scènes. Je résolus donc de me rendre directement vers le centre de culture du grand opéra européen sans passer par les stations intermédiaires. À Magdebourg déjà, j’avais taillé dans le roman de K. König, la Noble fiancée, le sujet d’un grand opéra en cinq actes, d’après le patron français le plus riche. J’en fis traduire en français le scénario complet, et, de Königsberg, je l’envoyai a Scribe, à Paris. J’y joignis une lettre dans laquelle j’offrais au célèbre librettiste l’appropriation de mon texte, à condition qu’il me procurât la commande de la musique pour le Grand Opéra de Paris. Afin de lui prouver mes capacités à écrire une musique parisienne d’opéra, je lui expédiai en même temps la partition de ma Défense d’aimer. J’écrivis aussi à Meyerbeer pour l’avertir de mon dessein et lui demander sa protection. Je ne me tourmentai point de ne recevoir aucune réponse ; il me suffisait de pouvoir me dire que j’étais déjà en relations avec Paris.

Et, en effet, lorsqu’à Riga j’entrepris d’exécuter mon