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TRAHISON DE DORN

je fus pris d’un trouble bien plus profond encore en apprenant à connaître la véritable nature de mon ami Henri Dorn.

Pendant nos relations continues à Riga, sa manière d’être vis-à-vis de moi avait d’abord été celle d’un frère aîné bienveillant ; puis nous avions passé à une amitié pleine de confiance. Nous nous voyions presque journellement, très souvent en famille. Je n’avais aucun secret pour lui, et son Échevin de Paris réussit aussi bien sous ma direction que sous la sienne. Lorsque j’appris que mon poste lui avait été accordé, je crus devoir l’interroger à ce sujet. Je m’imaginais qu’il y avait erreur de son côté et qu’il ne savait pas exactement mes véritables intentions. Sa réponse écrite me prouva cependant qu’il avait profité des sentiments d’inimitié de Holtei envers moi pour obtenir de lui une clause qui liait Hoffmann en sa faveur. Il ne lui était pas venu à l’idée qu’étant mon ami, il ne pouvait se prévaloir de son avantage qu’au cas où je démissionnerais réellement. Dans nos rapports presque quotidiens, il n’avait jamais non plus fait allusion à mon départ éventuel. Il prétendit pour se défendre que Holtei lui avait assuré qu’il ne renouvellerait mon engagement en aucun cas, parce que je ne m’entendais pas avec les chanteurs. On ne pouvait donc pas lui en vouloir, si, encouragé par le succès de sonÉchevin de Paris, il avait accepté la place qui devenait vacante.

De plus, mes confidences lui avaient appris que je me trouvais dans une position pécuniaire embarrassée. Mes faibles appointements, réduits dès le début par Holtei,