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DIVULGATIONS SUR HOLTEI

prête d’un autre soupirant. Il comprenait, disait-il, que la jeune femme n’eût pas de goût pour lui, barbon grisonnant et sans fortune ; c’est pourquoi il lui recommandait à sa place un jeune commerçant nommé Brandebourg, joli garçon et très riche par-dessus le marché. Sa colère de se voir doublement éconduit et l’humiliation de s’être découvert sans succès furent grandes, d’après ce qu’observa Minna. Je compris alors que ses méprisables sorties sur « la moralité au théâtre » n’étaient pas des exagérations fantaisistes. Souvent sans doute il avait eu lieu de rougir des leçons qu’il s’était fait donner. Cependant ce jeu coupable, tel qu’il l’avait tenté avec ma femme, ne parvint plus à détourner l’attention qu’on prêtait à ses instincts anormaux, il s’en aperçut et avoua, sans se gêner, à ses confidents qui me le répétèrent, que la peur de révélations défavorables l’avait décidé à quitter Riga brusquement et pour toujours.

Bien des années après, je sus les mauvaises dispositions que Holtei continuait à éprouver contre moi ; il s’exprimait surtout avec violence sur la musique de l’avenir et la menaçante tendance de celle-ci à enlever à l’auditeur la simplicité du sentiment. Si, comme je l’ai dit, il m’avait témoigné pendant les derniers temps de notre séjour à Riga une vive antipathie personnelle, je l’avais mise sur le compte de la divergence de nos goûts artistiques.

J’appris donc avec effroi quelles machinations avaient été mises en jeu, et j’eus quelque honte à constater combien ma connaissance des hommes était vague encore, car j’avais eu une entière confiance en Holtei et je lui avais cru un caractère particulièrement honnête. Mais