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DIVULGATIONS SUR HOLTEI

ma place, et que, par conséquent, il était impossible de me renommer, je fis part de mon étonnement à ma femme. Elle m’avoua alors qu’elle connaissait depuis longtemps les raisons de l’antipathie de Holtei contre moi. Elle me les avait tues pour me ménager et m’éviter du mauvais sang. Mes yeux s’ouvrirent à une lumière effrayante. Je me souvenais bien que, peu après l’arrivée de Minna à Riga, Holtei avait vivement insisté pour que je ne m’opposasse point à l’engagement de ma femme au théâtre. Je l’avais prié de lui en parler lui-même, afin qu’il pût se convaincre que si Minna ne retournait pas sur la scène, c’était de notre commun accord et non point peut-être parce que, de mon côté, j’étais jaloux. Avec intention je lui avais indiqué pour se rendre auprès d’elle les heures où j’étais pris par les répétitions. Plusieurs fois, en rentrant, j’avais trouvé ma femme extrêmement agitée après ces conférences avec Holtei, et elle m’assurait chaque fois qu’elle n’accepterait à aucun prix ses offres. D’autre part, j’avais remarqué que Minna semblait me sonder timidement sur les causes de la facilité avec laquelle j’autorisais les visites de Holtei.

J’appris maintenant, après la catastrophe, qu’il avait profité de ces rencontres pour faire à ma femme des avances éhontées dont le caractère et le but me parurent assez inexplicables, car je savais que cet homme avait des goûts d’un tout autre genre. Mais j’appris aussi que c’était sa façon de procéder : en faisant la cour aux jolies femmes, il pensait donner au public le change sur ses abominables perversités. Ce qui avait aussi indigné Minna, c’est que Holtei, après s’être vu repoussé, s’était fait l’inter-