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M. DIETRICH, PROTECTEUR DES ARTS

prendre ni l’un ni l’autre à notre conduite mutuelle.

L’amour que Minna avait été capable de ressentir pour moi avait sensiblement diminué en suite de ces troubles fâcheux et répétés. Cependant je ne me doutais aucunement qu’elle n’attendait qu’une occasion propice pour exécuter la résolution désespérée qu’elle avait prise secrètement. Afin de remplacer le ténor qui nous manquait dans l’opéra, j’avais fait venir Frédéric Schmitt, avec lequel je m’étais lié d’amitié pendant la première année que j’avais passée à Magdebourg. Il m’était sincèrement dévoué et il s’efforça de m’aider à surmonter les difficultés que je rencontrais au théâtre et dans ma vie privée. La nécessité de gagner des amis parmi le public me forçait à être peu difficile et peu retenu dans le choix de mes relations. Un riche commerçant, nommé Dietrich, s’était récemment déclaré protecteur du théâtre et des actrices en particulier ; il invitait les premières d’entre elles avec leurs cavaliers à des dîners dans sa maison, où il affectait le confort anglais, qui est l’idéal des commerçants allemands, surtout de ceux des villes marchandes du nord de l’Allemagne. À nous aussi il avait envoyé des invitations et j’en avais témoigné du mécontentement, sans autre raison que celle-ci : sa physionomie me déplaisait. Minna trouvait ma conduite injuste. Je continuai pourtant à me défendre d’entrer en relations avec cet homme, et, bien que Minna n’insistât plus pour le recevoir, ma manière d’être vis-à-vis de cet indiscret nous valut de nouvelles et désagréables querelles.

Or, un jour, mon ami Schmitt crut de son devoir de m’avertir que M. Dietrich avait parlé de moi en pleine