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« RULE BRITANNIA », « NAPOLÉON »

Le temps pendant lequel je restai sans fonctions au théâtre m’apporta bien des humiliations. Je crus toutefois mettre au profit de mon art le calme du port de salut où j’étais enfin arrivé : je fis quelques compositions, entre autres une grande ouverture sur le thème de Rule Britannia.

Pendant que j’étais à Berlin, j’avais écrit l’ouverture de Polonia, que m’avait inspirée la fête des Polonais. Rule Britannia était un pas de plus vers ce genre qui reposait sur l’effet des masses. À la fin de cette ouverture, l’orchestre, puissant déjà, devait être renforcé par un important contingent de musiciens militaires et j’avais destiné cette œuvre au prochain festival de musique qui aurait lieu à Königsberg.

Outre ces deux ouvertures, j’en avais une troisième en vue que j’aurais intitulée Napoléon. Le choix des effets me préoccupait et je me posai le dilemme esthétique suivant : Oui ou non, le coup final du destin qui atteint l’empereur en Russie doit-il être symbolisé par un coup de tam-tam ? Je crois que ce sont les scrupules que m’inspirait l’admissibilité de ce coup qui me retinrent dans l’exécution de mon plan.

L’insuccès de mon Liebesverbot m’ayant donné à réfléchir, je résolus de créer une œuvre théâtrale dans laquelle le travail que j’exigeais des chanteurs et des choristes fût réduit à la juste proportion de ce qu’on peut demander à des acteurs de théâtres provinciaux, les seuls où je pusse arriver.

Un récit original, tiré des Mille et une Nuits, me fournit le sujet d’une semblable composition, facile à exécuter.