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LUTTE CONTRE MES CRÉANCIERS

milieu d’où elle sortait et qui, sans arrière-pensée, unis sait sa destinée à celle d’un jeune homme sans position ni soutien sérieux.

C’était à onze heures du matin, le 24 novembre 1836 ; j’étais âgé de vingt-trois ans et six mois.

Au retour de l’église, ma bonne humeur chassa toute préoccupation. Minna se mit immédiatement en devoir de recevoir nos invités ; la table était mise et un opulent repas dédommagea les convives du froid persistant qui se faisait sentir dans la pièce et dont la jeune maîtresse de maison n’arrivait pas à se consoler. L’énergique promoteur de notre mariage, Abraham Mœller, se trouvait là aussi, malgré son léger mécontentement de n’avoir pas été invité à la cérémonie religieuse.

La fête suivit son cours ordinaire et banal. Ma bonne humeur persista jusqu’au lendemain, jusqu’au moment où il me fallut faire ma première sortie pour aller au tribunal me défendre contre mes créanciers de Magdebourg, qui avaient envoyé leurs plaintes à Königsberg. L’ami Mœller, que je consultai dans mon embarras, me donna un conseil sentant la chicane : c’était de ne pas répondre à ces papiers timbrés et de prétexter ma minorité. J’aurais ainsi le temps d’attendre un secours sérieux. Le juge auquel je déclinai ce motif de récusation parut fort étonné, car il avait sans doute entendu parler de mon mariage, et pour que ce mariage eût pu s’accomplir, j’avais dû donner la preuve de ma majorité. Bien entendu, le délai gagné fut court, et tous les ennuis qui m’accablèrent pendant si longtemps de ce côté commencèrent dès le premier jour de mon mariage.