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« FERDINAND CORTEZ »

Comme je n’arrivais cependant pas à découvrir une infidélité proprement dite dans la conduite de Minna, j’en éprouvai une inquiétude troublante et douloureuse qui me poussa bientôt à rechercher violemment mon équilibre moral en exigeant de mon amie qu’elle me dît la vérité absolue. Il me semblait qu’une union définitive avec Minna assurerait la solidité de ma conduite aussi bien que la continuité de mes progrès artistiques. Ces deux années passées à m’occuper du théâtre m’avaient distrait du travail sérieux et j’en ressentais avec angoisse les suites morales. Je comprenais que je suivais une mauvaise voie ; j’avais soif de recueillement et de calme et je croyais obtenir le tout en réglant une situation d’où découlaient tous mes tourments. Laube avait bien dû s’apercevoir que le jeune homme pâle, aux traits tirés, a l’air malheureux qui venait le voir, était agité par une préoccupation sérieuse ; sa société m’avait été un réconfort et c’est par lui que je reçus de Berlin les seules impressions qui fussent de quelque valeur. Une représentation de Ferdinand Cortez, dirigée par Spontini lui-même, fut aussi pour moi une révélation importante qui me frappa par son esprit nouveau. Quoique la représentation en elle-même me laissât assez froid, car les acteurs n’étaient pas de première force et ne surent me donner aucune émotion qui ressemblât, même de loin, à celle que m’avait fait éprouver Mme Schröder-Devrient, je vis dans cet ensemble précis, chaleureux et bien organisé, quelque chose de neuf. Je compris l’effet solennel et particulier des grandes représentations théâtrales arrivant à s’élever à un genre artistique incomparable par