Page:Wagner - Ma vie, vol. 1, 1813-1842.pdf/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

204
BERLIN 1836

préméditation. Lorsque je revins prendre mon repas pour la dernière fois à l’hôtel, j’entendis raconter de tous côtés les détails répugnants de la méthode prussienne de mettre un homme à mort. Un jeune substitut, grand amateur de musique, qui avait dû conférer avec le bourreau, venu de Halle, sur le moyen le plus humain de hâter la mort de la victime, me dit le frisson d’horreur que lui avait fait éprouver cet homme sinistre, si élégant de tenue et de vêtements. Ce furent là mes dernières impressions de la ville qui avait été témoin de mes velléités d’indépendance et de mes premiers essais d’activité artistique. Ces impressions me revinrent souvent à l’esprit lorsque, plus tard, je quittai avec le sentiment que c’était pour toujours d’autres villes où j’avais de même travaillé au développement de mon art ou à l’amélioration de ma position matérielle. Partout où j’ai séjourné dans cette intention, j’ai eu des sensations semblables en m’en allant.

J’arrivai donc le 18 mai 1836 à Berlin. C’était ma première visite à cette prétentieuse cité royale et j’appris à en connaître la physionomie spéciale. Dans l’attente incertaine de ce que me réservait l’avenir, je me logeai modestement à l’hôtel du « Prince héritier » (Kônigsstrasse), où Minna était aussi descendue quelques mois auparavant. Par l’entremise d’un ami de confiance, je parvins à dénicher Laube à Berlin. En attendant le jugement de son procès, il se livrait à des études particulières et à ses occupations littéraires. Il avait toujours eu une faiblesse pour mon Liebesverbot ; aussi me donna-t-il d’utiles conseils pour faire représenter cette œuvre au théâtre « Konigstaedt ».