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TENDANCE DE LA PIÈCE

dans une langue correcte et en vers soignés que Laube déjà avait admirés.

La censure se heurta tout d’abord au titre qui, si je ne l’avais pas changé, eût fait chavirer tous mes projets de représentation. Nous nous trouvions dans la semaine de Pâques et il était interdit de donner au théâtre des pièces gaies ou légères. Fort heureusement, le magistrat qui fut chargé de m’entendre n’avait pas lu le poème, et, comme je lui certifiai qu’il s’agissait de l’adaptation d’une œuvre très sérieuse de Shakespeare, on se contenta de remplacer ce titre inquiétant par celui de la Novice de Palerme, qui n’avait rien de scabreux et qui ne donna lieu à aucune réclamation.

À Leipzig, il en fut autrement peu de temps après. J’avais voulu essayer de glisser ma nouvelle pièce à la place des Fées, décidément sacrifiées. Pour gagner à ma cause le directeur Ringelhardt, j’avais destiné le rôle de Marianne à sa propre fille, qui débutait à l’Opéra. Mais Ringelhardt prétexta pour refuser mon œuvre la tendance inconcevable de mon sujet. Il prétendit que, même si le magistrat de Leipzig autorisait cette représentation, ce dont il lui faisait l’honneur de douter, lui, en père consciencieux, ne permettrait pas à sa fille d’y paraître. À Magdebourg, le caractère de mon libretto ne me causa, par extraordinaire, aucun ennemi, car le public n’avait rien compris à l’action, tant le débit des acteurs avait laissé à désirer. Il n’y eut aucune protestation contre la tendance douteuse de la pièce. Personne ne s’en inquiéta, et une seconde représentation put avoir lieu.

J’avais bien senti que mon opéra n’avait fait aucune